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Liberté, liberté chérie ?

Liberté, liberté chérie ?

Gal 5.1-2 et 13-25

C’est un passage très connu des lettres de Paul, dont on connaît souvent certains versets par cœur. Paul nous fait réfléchir sur la notion de liberté.

Quand il parle aux Galates de la liberté, il l’associe à l’Evangile. Alors c’est quoi la liberté à laquelle les Ecritures nous appelle ?

Et c’est quoi la liberté pour nous aujourd’hui ?

Est-ce que c’est une liberté qui consisterait à être totalement indépendant les uns des autres ? Est-ce que ça renvoie à un désir d’absence de contraintes, d’obligations ? Est-ce que c’est la liberté d’un libéralisme qui gagne au dépend des plus faibles ? Et quand cela consiste à faire un choix, et donc à accepter de perdre quelque chose, la liberté qui devait être un lieu d’épanouissement devient une liberté impossible à réaliser.

Est-ce que c’est la liberté de faire ce que l’on veut ? Et finalement on, c’est qui ? Est-ce que c’est notre conscience ? Nos envies ? Notre ego ? Nos peurs ? Nos idéologies ? Nos émotions ? Notre passé ? Notre héritage biologique ? Notre environnement social, culturel ? Qui décide pour nous ? Où se joue notre liberté ?

Le mot grec que l’on traduit liberté dans le Nouveau Testament, dont les emplois les plus nombreux sont d’ailleurs chez Paul, est ἐλευθερία.

A l’origine, dans la culture grecque de Paul, la notion de liberté renvoyait à la liberté de mouvement, au sens civique et politique, celle du citoyen libre d’aller où il veut, par opposition à la situation de l’esclave qui doit rester dans la maison de son maître.

La racine du mot ἐλευθερία, eleuth, renvoie à l’idée d’une volonté propre. Mais elle-même dérive d’un radical indo-européen qui désigne la croissance. De là on retrouve l’idée dans la philosophie grecque, d’une liberté de mouvement, au sens de grandir, de s’épanouir, sur les plans moral et spirituel.

Quand Paul choisit ce mot, c’est clairement pour signifier le résultat de la libération d’un esclavage, esclavage non pas politique ou social, mais spirituel. « Nul ne peut servir deux maîtres », dit Jésus chez Matthieu.

La liberté, telle que nous la comprenons dans nos pensées modernes, s’acquiert par un travail sur soi, une soumission morale à notre conscience, par la connaissance de soi et des autres, par le choix de postures philosophiques… Finalement c’est une liberté qui se gagne et qui rejoint un perfectionnisme, une autre forme de religiosité, d’obéissance à la loi pour acquérir soi-même son salut.

L’Evangile vient retourner nos schémas de pensée. La liberté, pour Paul, c’est un cadeau, un don qui se reçoit chaque jour, comme la vie. Etre libre, c’est choisir la vie.

Choisir la vie, c’est accueillir la liberté de Dieu, le laisser opérer en nous cette œuvre de libération de tout ce qui prend sa place et de tous les marquages morbides qui viennent détourner notre identité.

« C’est pour la liberté que Christ nous a libérés. »

Liberté qui est donc double : déjà accomplie, réalisée à la croix ; et encore à saisir, à réaliser dans nos vies. Appartenir à Christ, c’est saisir cette liberté, c’est utiliser cette liberté pour choisir la vie.

Nous ne vivons pas encore dans le Royaume. Si la victoire sur la mort a déjà eu lieu à la croix, le combat pour rendre active cette liberté dans nos vies est bien réel. En recevant Jésus comme Seigneur, nous sommes associés à sa victoire, mais aussi au combat qu’il mène sur terre. Combattre, c’est avoir l’assurance que cette victoire remportée à la croix il y a plus de 2000 ans peut avoir un impact concret sur nos vies, nos identités aujourd’hui. Combattre, c’est vivre cette victoire. La foi n’est rien sans les actes. Si nous ne croyons pas en la réalité d’un salut qui nous rejoint et peut faire advenir l’impossible, sommes-nous vraiment chrétiens ? A quoi servirait un Dieu ressuscité, si cela ne change pas notre vie ?

Nous vivons dans un monde où satan est prince. Ses stratégies pour nous empêcher de combattre sont nombreuses : le sommeil, au sens spirituel, et parfois même physique (à l’image des disciples à Gethsémani) ; l’aveuglement, en nous faisant croire qu’il n’existe pas ; l’intimidation, la menace, en faisant croire qu’il est plus puissant que Christ ; la confusion dans nos pensées ; la division dans nos relations, etc. Chacun selon nos fragilités, il cherche à nous éloigner de la vérité, et ultimement à nous faire mourir. Jésus nous a prévenus : « Veillez et priez, votre adversaire le diable rôde ».

Pas de quoi avoir peur, la victoire a déjà été manifestée à la résurrection de Jésus. Pas de quoi rester immobile, dans une foi passive : en étant chrétiens nous héritons de cette liberté de mouvement, cette dynamique spirituelle d’aller toujours vers la vie, à l’image de Jésus qui était sans cesse en marche. Ce n’est pas nous qui combattons, c’est bien Dieu. Mais notre part consiste en un engagement, un bon usage de notre foi et de notre liberté.

Alors, face à cet appel à la liberté, offerte gratuitement et pourtant encore à saisir, nous nous sentons tout petits, démunis. C’est notre faiblesse et la pauvreté de nos moyens humains qui sont révélés. Et c’est peut-être là que commence notre libération. Dans notre pauvreté. « Heureux les pauvres en esprit, le Royaume des cieux est à eux », dit Jésus dans le Sermon sur la montagne.

Puisque nous sommes impuissants, quels sont les moyens qui s’offrent à nous ? Paul oppose la chair, que l’on comprendra comme siège de notre volonté, nos émotions, nos pensées…, à l’Esprit.

C’est l’Esprit Saint qui seul peut déposer la vie dans l’homme, en une présence qui crée la vie en continu, qui transforme, qui fait de nous les hommes et les femmes que nous sommes réellement, dans des identités restaurées, relevées, purifiées, redevenant enfants de Dieu. Seul l’Esprit de Dieu est capable d’accomplir la promesse du Christ en nous :

« C’est pour la liberté que je vous ai libérés ! »

L’Esprit Saint nous fait vivre si nous sommes nés d’en haut.

"Car le Royaume de Dieu, ce n'est pas une affaire de paroles mais de puissance", disait Paul aux Corinthiens. (1 Cor 4:20)

C’est cette puissance de vie, la même qui a ressuscité le Christ le 3e jour, la même qui permettait à Jésus de produire des miracles, qui habite en nous aujourd’hui. Que se passerait-il si nous la laissions complètement se déployer en nous ? C’est assez effrayant ! Peut-être la liberté que nous offre Dieu fait-elle peur finalement ?

La liberté de l’Evangile se révèle dans deux mouvements : celui de recevoir la vie, et celui de donner sa vie.

Cette liberté à être vraiment vivant, nous concerne chacun individuellement.

Où que l’on en soit ce soir dans notre chemin avec Dieu, la question est : quelle choix de vie ai-je à faire aujourd’hui ? Et cette question se repose chaque jour. Quelles sont les règnes de ténèbres que Jésus veut renverser en moi, au-delà de ce qui est possible à mes yeux humains ?

Si nous le voulons bien, nous pouvons choisir d’accueillir cette vie plénière.

Nous n’avons qu’à dire oui. Alors, qu’est-ce qui nous empêche de dire oui ? Nos peurs ? Nos conforts ? Notre complaisance ? Notre orgueil ? Un manque de foi ? Notre timidité ? Notre lâcheté ? Quels mensonges font office de lois sur nous au point parfois de nous couper de la grâce surabondante que Dieu veut nous donner ?

Si nous voulons recevoir la libération de Dieu, nous devons aussi accepter ses moyens, en la puissance de vie de son Esprit. Sinon, ce sera une lutte permanente, épuisante, entre nous et nous-même, avec le risque de finir par reprocher à Dieu de ne pas prendre si bien soin de nous, de ne pas bien faire son boulot.

Mais cette liberté, c’est aussi celle du Corps du Christ, de toute la communauté, de l’Eglise universelle.

Nous ne sommes pas chrétiens pour nous-mêmes. Nous vivons au sein d’un corps, nous dépendons les uns des autres, nous avons besoin les uns des autres.

Etre l’incarnation de Christ sur terre est le privilège ultime d’un être humain, mais c’est aussi la responsabilité exigeante de servir.

De servir Dieu, seul et ensemble, et d’être au service les uns des autres.

Dans ce combat, nous sommes tous contre le même ennemi et pour le même Dieu. Nous sommes tour à tour celui qui est en danger et qui a besoin de l’aide de ses frères et sœurs, et celui qui vient soutenir et combattre aux côtés du plus faible.

Porter le fardeau les uns des autres : c’est l’appel à l’amour et à la fraternité que Dieu nous fait, à l’exemple de son Fils, contre toutes les logiques individualistes du monde et les logiques naturelles de survie.

C’est donc paradoxalement dans une dépendance à Dieu et dans une interdépendance les uns aux autres, que se joue notre liberté. Nous sommes des êtres relationnels. Il est impossible à l’homme d’atteindre le bonheur sans Dieu et sans les autres membres du corps dont il fait seulement partie. Autrement dit par l’écrivain Elie Wiesel : « Un être humain est libre, non quand l’autre ne l’est pas, mais quand l’autre l’est aussi. »

La question est simple finalement : veux-tu vivre ? Et veux-tu que ton frère aussi vive ? Es-tu prêt à recevoir Jésus dans ta vie ? Car le recevoir, c’est recevoir la vie même ! « J'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives. » (Dt 30, 19)

Si tu n’es pas encore au bénéfice de cette libération, peut-être peux-tu accueillir ce soir le Christ en toi, et lui donner ta vie ? Peut-être le vis-tu déjà, mais des territoires en toi sont encore en esclavage ? Et si tu vis déjà ce chemin de libération aujourd’hui avec Jésus, le vis-tu pour toi seul, ou es-tu disponible pour libérer ceux qui sont encore prisonniers dans des règnes de mort, comme toi autrefois ?

Que le Dieu de vie nous donne le courage de choisir la vie encore et toujours. Que nous avancions ensemble dans ce chemin de libération qui nous est offert. Bannissons l'isolement, la crainte, les mensonges qui nous retiennent dans le combat. Découvrons cette liberté qui n’est possible qu’en se rendant esclave du Christ. Accueillons simplement le cadeau de vie qu’est le Seigneur. Qu’il fasse de nous des serviteurs les uns pour les autres, mis en mouvement par son Esprit Saint. Ayons une foi incarnée, vivante et manifestée dans l'action. Qu'ensemble, par l’Esprit de Dieu, nous détruisions toutes les prises que l'ennemi peut avoir sur nous. Alors, le Corps tout entier vivra dans le salut.

Amen.

(Prédication du 28 avril 2013)

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